Nogochi: Les esprits ont parlé, Sibiri l’élu ?
Rupture, ce premier film de Toumani Sangaré, jeune réalisateur malien et français rompt avec le narratif onirique traditionnel du cinéma africain. Sous le prisme de l’anthropophagie, assumé car il est question là pour le réalisateur de poser un regard franc sur certaines pratiques occultes en Afrique, d’où le choix de deux toiles de fonds représentatives de ses deux mondes. La colonisation et le cannibalisme comme sujets portent le film dans son ensemble, dans une lutte implacable de conquête de pouvoir et de préservation d’un territoire durement acquis. Les personnages polis par l’hostilité de cette nature sauvage où le danger rôde par la prédation de Waraba ( Aissata Boucary Maiga) la cannibale évoluent dans un écosystème qui n’épargne guère.
D’une tension maîtrisée au millimètre près, Nogochi dévoile une intrigue triangulaire, un film choral dans lequel se noue des drames personnels. Quelle en sera l’issue pour les protagonistes du film? Voir le film. Nogochi est une épopée fantastique dans l’Afrique coloniale des années 1882. Le film commence par une image époustouflante, d’un bateau qui échoue sur les rivages du Mandé. Sibiri un jeune afro-américain est récupéré par Benkoro, chasseur donso d’une tribu porteuse de valeurs issues de la Maaya, l’humanité, gardienne d’un temple sacré. Il est à la fois un récit de mémoire, doublé d’un conte universel bâti sur des codes modernes. Des codes cinématographiques, un hommage rendu aux influences de cinéphile du cinéaste: Sergio Leone, Quentin Tarantino, Francis Ford Copola.
Dans sa démarche, le réalisateur compte porter au monde toute la richesse du Mali à travers sa riche culture, ses beaux paysages, ses danses athlétiques et chants mystiques. Rêver, oui on rêve devant les photos panoramiques, au delà des émotions qui prennent aux tripes le spectateur. Si vous aimez le sensationnel, les frissons: les frissons vous garderont éveillés des heures durant. Une claque le film de Toumani Sangaré est une vraie claque pour les amoureux du cinéma. L’esprit de Nogochi représente un diagnostic douloureux exorcisé dans le récit des faits pouvant exister, jusqu’à la décision finale des esprits. Le mal sous toutes ses formes ne devra exister sous aucun prétexte. Tous les ingrédients sont bien ficelés.
A la question si le premier tableau de Nogochi se réfère au Radeau de la Méduse de Théodore Géricault, le réalisateur nous confie avoir une mémoire photographique depuis l’enfance, la référence sans doute inconsciente à cette toile de Maître, vue au Louvre fait appelle à une culture générale qui sert la somme d’un processus de création. Les amoureux de musique de film y trouveront également leur compte.
Toumani Sangaré demande au public malien, africain, d’avoir foi à l’industrie cinématographique du Mali et du Continent. “Le Mali compte aujourd’hui des jeunes réalisateurs qui en veulent, des mentors excellents réalisateurs maliens et du continent qui leurs tiennent la main. Au public d’être en salle et le cinéma malien se portera très bien. Le film Nogochi est un film malien à 98%, ayant reçu par le billet d’un financement participatif et la confiance d’opérateurs économiques. Nous pouvons allez plus loin en joignant nos forces.” TS.
Le film Nogochi dont l’avant-première a eu lieu le 19 septembre dernier, sort le 10 octobre en salle au Ciné Magic. Il devrait bien se porter. N’attendez pas de le voir dans vos salons sur petit écran, vous y perdrez l’essence même de ce film. L’équipe de Mali Culture a vu le film, tous, nous votons les trois cartons pleins pour Nogochi.
Le film est sacré meilleur film au TAFF de Dallas et prix du meilleur scénario au Africain International Film au Lagos (Nigéria), courant 2019. Le seul regret est qu’il n’ait pas été choisi au dernier FESPACO, il aurait donné toutes les chances au Mali de devenir Etalon de Yennenga des 50 ans du FESPACO, signant du même fait une rupture avec la poétique du cinéma africain. Le réalisateur regrette simplement la mise à l’écart de son film et ne comprend pas les arguments donnés. Bref, de nouveaux projets en chantier il garde foi en toutes fois des autres grands rendez-vous cinématographiques.
Avec des films comme Barkomo, Policikè, Nogochi et bientôt Sheitan le cinéma malien signe un retour salvateur en salle. Et si on continuait à se donner rendez-vous au cinéma toute l’année?
Nogochi, c’est l’épopée d’un premier film audacieux, réussi!
Dia Sacko