Les premiers colons français furent tellement effrayés par les serpents de la Martinique qu’ils abandonnèrent la Martinique pour s’installer en Guadeloupe où les serpents n’existaient pas.
Plusieurs personnes s’estonnent avec assez de raison de ce que les Isles de la Martinique et de Sainte-Alousie, étant situées au milieu de toutes les Antilles, qui n’ont point de bestes vénéneuses, produisent néantmoins des serpens, dont les piqueures mortelles ont fait perdre la vie à tant de François, de Sauvages et de Nègres.
Quelques-uns croyent que cela procède de l’intempérie du climat…, d’autres croyent, avec plus de probabilité, que cela vient du terroir qui est extrêmement pierreux, et tout semblable à celuy dans lequel les vipères de l’Europe se plaisent davantage.
Il n’est pas hors de propos de rapporter icy l’opinion des Sauvages sur cette matière.
Quelques-uns d’entr’eux nous ont asseuré, qu’ils tenoient par tradition très- certaine de leurs pères, que cela venoit des « Arroüagues », nation de la terre ferme, ausquels les « Kara’ibes » de nos Isles font une très-cruelle guerre.
Ceux-là, disent-ils, se voyant tourmentez et vexez par les continuelles incursions des nostres, s’avisèrent d’une ruse de guerre no commune, mais extrêmement dommages ble et périlleuse à leurs ennemis, car ils amassèrent grand nombre de ces serpens, lesquels ils enfermèrent dans des paniers et callebasses, les apportèrent dans l’Isle de la Martinique, et là leur donnèrent liberté, afin que sans sortir de leur terre, ils puissent par le moyen de ces funestes animaux, leur faire une guerre immortelle.