Mali, Maroc, France : en équations nomades
Pour sa deuxième édition, Équations Nomades a jeté à nouveau ses cordes à Bamako. Changé la face du monde par l’art, en voilà un joli programme. Une introspection en musique et débats d’idées, confrontant trois cultures qui se côtoient au gré d’échanges commerciaux et linguistiques depuis bien de siècles.
Poser les jalons d’une éducation artistique pour la jeunesse malienne est l’ambition du projet.
Partant du principe que même en mathématiques certaines équations sont par essence difficiles à résoudre, Équations nomades se donne des objectifs faciles à atteindre.
Pour cela pendant ces cinq qui ont réuni soixante douze jeunes de tout le Mali, autour d’ateliers de photographie, de théâtre, de musique classique assuré par le quatuor de France, de musique de chambre et de musiques sans frontières qui intègrent d’autres expressions musicales hors musique sacrée, la jeunesse malienne s’est exprimée. Au delà de l’éducation artistique, il s’est voulu un espace de débat d’idées et de réflexions autour de thématiques chers au climat actuel du Mali. En tant d’incertitude, la culture se trouve inévitablement menacée par plusieurs attaques : pillage et trafic de biens culturels.
Les conférences considérèrent alors des thématiques autour des questionnements : « comment enrayer le trafic illicite des biens culturels et d’œuvres d’art » ; « rôle de la culture dans le processus du retour à la paix » ainsi que la diversité comme étant l’antidote contre le communautarisme et le radicalisme.
Par l’éducation à l’art ces cinq jours furent riches pour les jeunes maliens venus des quatre coins du Mali. Équations nomades résulte de la conjugaison des initiatives, d’éduquer par l’art, renforcer le vivre ensemble aux plus jeunes de la population malienne. L’expression perçut comme un vecteur d’inclusion et d’intégration. La musique classique pour cet effet était au rendez-vous, une rencontre entre artistes maliens, marocains et français.
Les soirées musicales au complexe culturel Blonba et à l’institut français ont assemblé des artistes en provenance du Maroc et de la France.
Le lundi 15 janvier, la musique classique jette ses cordes on-air dans la salle de spectacle de linstitut français, à cette soirée un public initié y prenait un plaisir. Ce n’est pas tous les soirs qu’on peut écouter de la musique classique à Bamako, quand cela se présente ça devient un lieu de retrouvailles pour les amoureux de cette musique, tant mélodieuse que lancinante. Imaginons un instant Jean Sébastien Bach représenté par un quatuor, celui de France, composé de deux hommes et deux femmes. Mais avant l’installation du quatuor à cordes de France, ces mélomanes melting-pot furent plongés dans l’univers classique dans un silence quasi monastique. Deux excellents instrumentistes en échange cordial et passionné, calibré au millimètre près on fait découvrir à Bamako, le chant des oiseaux, mélodie catalane en Provenance du sud de la France. Un concerto interprété par le Duo composé de l’excellent Pierre Fouchonnet et l’intrépide François Salque. Ainsi s’adonnèrent à une exécution du répertoire du compositeur hongrois Zoltán Kodály premier musicologue hongrois qui a parcourut les faubourg de la Hongrie pour répertoire des milliers de mélodies profanes-profanes ; analysées dans les années 1915. Un cours de musique et d’histoire de la musique en même temps, finit d’éblouir le public Bamakois. Salle plongée dans le noir, lumière sur les interprètes du soir: l’un habillé de tout noir et l’autre en chemise blanche pantalon gris, les deux cheveux rebelles
Puis vint avec le quatuor à cordes de France, en fin de soirée, le happy-end floral, emprunté au chanteur américain un happy hautement aérien et osé pour quatuor classique. Une prise de risque réussie.
Le 16 au soir c’était au tour de Madou Sidiki Diabaté de confronter son univers de musique de Roi, la Kora, à celui de ses confrères d’outre atlantique. Madou Sidiki Diabaté est le second fils du virtuose Sidiki Diabaté, non moins frère du scolastique de la kora Toumani Diabaté, de s’installer avec son manding griot groove.
Madou Sidiki appartient à la 72e génération de joueurs de Kora de père en fils.
Il a collaboré pour l’occasion avec François Salque, Vincent Peiriani, François Puijula clarinétiste. En première partie de soirée, chaque instrumentiste se produisit en solo. De là s’entame une ballade musicale d’échange de cordes mandingues et de clarinette aux sonorités purement métissé, vent contre corde, la légerté des cordes mêlée au son appuyé de la clarinette, transportaient à chaque note.
Madou Sidiki dans un posé comme d’habitude, déclara que la musique était cette langue universelle qui ne nécessitait pas de parler la même langue pour se faire comprendre. Il n’en est pas à sa première rencontre musicale sur le sol malien, on se rappelle de ses collaborations avec Daman Albarn, Tony Allen, Cheick Tidiane Seck, Dee Dee Bridgewater, Baaba Maal et plusieurs grands noms de la word musique.
Cette semaine culturelle s’est clôturée avec ARATAN N’AKALLE : les enfants du pays.
Aratan N’Akalle est un orchestre qui accueille des ressortissants de Tombouctou et de Tessalit, parmi lesquels deux anciens sociétaires des Tinariwen. Une soirée couronnée par un mélange pop rock à la sauce nomade. Grondement de guitare en acoustique avec des instruments orchestraux en réponse, un rock des dunes chaudes du Mali. Sur la lignée de Tinariwen, les enfants du pays ont un avenir radieux qui dessine à l’horizon. Lors des évènements de 2012, ils ont dû quitter le Mali avec la crise du Nord. Ils sont de retour résolument engagé auprès de leur pays, le Mali dans sa valeur la plus intrinsèque ; son unicité.
Le vœu de la rencontre était de créer un mini ensemble instrumental, ils l’ont fait, des enfants du Mali, du Nord au Sud pour chanter le Mali dans sa diversité et son unité.
Lorsque certaines équations sont difficiles à résoudre, Équations nomades aura réussi à rassembler les éléments capitaux à la résolution de l’équation posée en 2017, réunir le Mali et ses partenaires historiques, le Maroc et la France dans un projet cohérent et porteur.
Vivement les prochaines équations en janvier 2019, Insh’Allah !
Dia D Sacko