Série mania en Afrique: enjeux linguistiques au Mali et Burkina Faso
L’usage des langues nationales dans les films réalisés par les cinéastes des différents pays d’Afrique de l’espace francophone où le français a le statut de langue officielle, constitue une préoccupation majeure aux enjeux multiples.
Les productions cinématographiques et les enjeux linguistiques en Afrique subsaharienne
Au Burkina Faso et au Mali de nombreux films sont réalisés dans les principales langues parlées par la majorité des populations. Sans omettre le français, les cinéastes ont choisi d’emblée de développer l’usage des langues comme le bamanan, le jula , le moore, le wolof, dans leur démarche de création filmique. Ils ont recours ensuite en terme de diffusion internationale au doublage et sous-titrage en français et en anglais pour toucher d’autres publics. Mais de nombreuses contraintes de production fragilisent ces cinémas qui trouvent principalement leurs sources de financement auprès des institutions des pays d’Europe et ne disposent pas de structures endogènes pour leur circulation dans les pays d’Afrique. Citons entre autres la clause d’usage de la langue française pour la production du film africain qui sollicite les subventions des organismes français.
D’aucuns soulignent la multiplicité des langues africaines et des groupes ethniques comme un obstacle pour la diffusion des films dans chaque pays et à l’échelle de plusieurs pays d’Afrique. Mais l’expérience confirme que cette réalité sociolinguistique certes complexe n’est pas pour autant insurmontable. Par ailleurs la technique cinématographique permet d’envisager le doublage en langues africaines selon les aires linguistiques de diffusion des films.
Les enjeux économiques et financiers des industries cinématographiques déterminent bien souvent les logiques de production et peuvent influer sur les choix de réalisation entre autres la langue , parfois au détriment d’une densité émotionnelle de l’œuvre en relation avec l’univers socioculturel qu’elle veut refléter. Car une langue renferme toutes les valeurs de civilisation d’une société. Ainsi on peut noter un véritable hiatus quand dans un film burkinabe montrant une scène de vie quotidienne au village , on entend des personnes âgées s’exprimer en français. A l’inverse , d’autres films comme Baara ou Fi¨nyè de Souleymanve Cissé nous révèlent des œuvres où se déploient l’imaginaire et la richesse métaphorique de la langue bamanan parlée par les différents personnages.
En définitive , l’usage des langues nationales dans les créations artistiques et culturelles constitue un engagement pour résister à des pressions multiples qui confinent à la marginalité des œuvres dans leur terroir en les rendant inaccessibles à leurs publics potentiels. Les cinémas d’Afrique, pour remplir leur rôle de véritables « écoles du soir » selon la célèbre formule du cinéaste Sembène Ousmane ne sauraient se figer dans un splendide éloignement des populations africaines.
En examinant au préalable le contexte plurilinguistique avec le statut dominant de la langue française (langue officielle) dans les pays anciennement colonisés par la France, nous analysons par la suite comment se meuvent les productions cinématographiques pour imprimer une esthétique et un langage endogène marqué du sceau des langues nationales.
Dragoss Ouédrago (Professeur, Université de Bordeaux, Cinéaste)
A suivre…