Qu'est-ce que l'hybridité en littérature ?

Anouk Gauthier
2025-10-12 21:26:22
Nombre de réponses
: 14
Et si c’était le propre de tous les écrivains d’être des centaures – c’est-à-dire des figures par excellence de l’hybridation ?
Leur fonction ne consiste-t-elle pas à hybrider la fiction et la réalité, à hybrider les parcours singuliers des personnages avec l’universalité de l’expérience humaine, à entrecroiser – parfois sans le vouloir – le regard d’un auteur avec la voix d’un narrateur ?
A procéder à des combinaisons hétéroclites de mondes radicalement différents, voire contradictoires, par le truchement de l’imagination ?
C’est l’écrivain Elias Canetti qui nous offre la meilleure définition de l’hybridation : « jeter son ancre le plus loin possible », c’est-à-dire sortir sans cesse de soi-même et aller vers l’altérité radicale pour devenir sempiternellement autre.
Le terme hybride renvoie étymologiquement à l’idée d’une « bâtardise », à un mélange interdit, à un mariage improbable, qui a transgressé la norme, l’habitude, l’identité, l’ordre établi.
Ce que l’hybride transgresse avec violence, c’est notre manière d’aborder la réalité, en l’enfermant dans des silos.
Parce que le processus d’hybridation interroge la question de l’identité (la bâtardise, le sang mêlé, c’est l’identité transgressée, c’est le « sans-identité » ou le « trop-plein d’identités »), la relation à l’autre, nos frontières mentales, notre rapport à la réalité, il se confond, par définition, avec celui que suppose la littérature.