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Entretien exclusif : Anicet Kabyrou Dena

« La majeur partie des Bwas ne connaissent plus Hambe. Il y a une perdition énorme de nos traditions. »
Anicet Kabyrou Dena est promoteur de l’hôtel Hambe de Ségou, nous l’avons rencontré autour de la divinité de la reproduction et de l’humilité en région Bo dont son établissement porte le nom.Une rencontre née après un séjour professionnel au sein d’Hambe à Ségou. Le propriétaire de l’hôtel de type traditionnel totalement écologique et construit à partir de matériaux locaux issu de la région. Anicet est originaire de la région, il est Bo. Entre tradition et modernité le promoteur d’hôtel et de tourisme puise son équilibre de la nature et de sa tradition.
Bonsoir je vais vous laisser vous présenter aux lecteurs de maliculture.
Bonsoir je m’appelle Anicet Kabyrou Dena, je suis de l’ethnie de Bo, un Bo des Bwas, la langue c’est le Bomou, et natif de la région de Ségou.
Alors vous venez de m’apprendre quelque chose, vous venez de dire que vous êtes Bo et non Bobo, alors que tout le Mali appelle la personne  issue de l’ethnie Bo au singulier comme au pluriel, Bobo.
C’est une erreur administrative qui n’a pas été corrigée, sinon Bobo veut dire en malinké sourd-muet. Une des plus vieilles cités de l’Afrique de l’ouest qui est Djéné a été construit par des Bwas, qui normalement se dit Zéné.
Donc Zéné veut dire quoi ?
C’est la bute où il fait bon vivre qui colle avec l’idée d’Île quelque part. C’est une des plus vieilles civilisations d’Afrique de l’ouest. Pour revenir à l’anecdote, la même erreur persiste sur mon acte de naissance comme pour le mot Bobo.
Vous nous recevez dans un endroit magnifique, nous sommes dans un établissement extraordinaire au sein d’une bâtisse inspirée de l’architecture soudanaise. Corrigez-moi si je me trompe. Une construction à partir de matériaux locaux, essentiellement constitué de terre rouge, ce qu’on appelle le banco. Comment vous est venu l’inspiration de ce choix en terre au lieu du ciment ? 
Ce choix, je l’ai acquis par l’éducation de mes parents, où on me fait dire tous les jours qu’il faut se connaître soi-même qui vient de l’idée de la culture en héritage. De ce fait j’ai suivi les maçons, les artisans, aujourd’hui j’ai un bac plus quatre, plusieurs diplômes mais l’essentiel est dans la culture et sa valorisation.
Vous êtes diplômé de l’université de Bamako en anglais mais vous avez fait le choix de l’entrepreneuriat ?
Avant de faire anglais j’avais été orienté en sciences juridiques. J’ai senti que ma place n’était pas là-bas car au Mali, chaque grande famille à un avocat, la concurrence aurait été plus dure pour moi. Cependant j’ai fait le choix d’aller en faculté de langues et de lettres. J’ai ensuite ajouté à mes cours d’anglais des cours d’hôtellerie et de tourisme à l’institut universitaire de gestion (IUG). Ainsi j’ai fait les petits métiers dans le tourisme entre Ségou, Bamako, le pays Dogon et la région de Kayes, j’ai complété ce parcours par deux ans de management au Ghana. Après une expérience dans les grands hôtels de Bamako qui m’a permis de faire mes armes dans ce métier. Puis une agence de voyage, c’est après que ce parcours que je me décide d’ouvrir l’hôtel Hambe à Ségou et j’ai acheté ce lieu.
Quand les yeux se posent sur le mot Hambe, on se le questionne d’abord en bambara, ce que j’ai fait et pas trouvé de signification. Que signifie Hambe?
La majeure partie des Bwas ne connaissent plus Hambe. Il y a une perdition énorme de nos traditions. Je remercie mes parents qui m’ont expliqué les Dieux les Déesses. Ancestralement, dans notre ethnie Dieu n’existe pas, c’est la femme qui donne vit. Nous sommes une société profondément matriarcale. Hambe est la Déesse de l’humilité et de la fécondité. Quand on regarde sa silhouette grande. Cette posture haute au-dessus des hommes, elle les regarde. Si vous regardez votre clef, Hambe a le regard dirigé vers la terre. C’est tout le sens de son humilité.
Elle est élevée par sa taille mais elle fléchit légèrement le dos vers le sol.
Exactement ! Après la position des bras démontre toute l’humilité de sa posture. En effet Hambe est la déesse de la fertilité et de l’humilité. Dans la mythologie Bomou, il n’ y a pas  de Dieu parce que l’homme ne donne pas vit. Elle est cette incarnation divine dans la société Bo. J’ai décidé de faire revenir cette déesse en lui rendant hommage, à laquelle tienne les Bwas depuis des siècles. Pour mettre la mythologie, la philosophie Bo au cœur de ma démarche entrepreneuriale.
Est -e à dire que la mère à une place capitale dans la société Bo ?
La mère à une place capitale, par exemple quand tu te maries en société Bo, la première des choses à faire c’est de construire, le grenier de ta femme. La jeune femme Bo a le droit de divorcer sans que la société la juge. Ce qui veut dire que c’était une société progressiste en soi. La femme a une place prépondérante dans ma tradition et société.
Revenons à l’architecture de votre hôtel ? C’est vous qui avez conçu les plans ? Vous saviez ce que vous allez faire comme plan ?
Tout à fait ! J’ai acheté ce terrain six jours avant le coup d’état en 2012. J’ai injecté tout ce que j’avais dedans. Revendre ou le garder après la crise ? J’ai décidé de le garder. Je me suis dit qu’étant donné que notre patrimoine architectural était remis en cause et tant qu’il est remis en cause on est tous touché.  Et me suis posé la question de ce que je pouvais faire pour valoriser notre patrimoine. Cette architecture que des ancêtres nous ont léguée qui est primordial, une valeur ajoutée inestimable. D’une part on vit bien dedans et d’autre part elle répond aux normes écologiques. Quand on construit une maison en béton armé, il faut se dire que 90 % de nos ressources sortent du pays. Mais quand on construit une maison en terre, localement tout le monde y gagne. L’initiative contribue à l’économie locale, au-delà respecte l’écosystème dans son fonctionnement. J’ai voyagé de Kayes jusqu’à Tessalit à dos d’âne, à pied pour découvrir le Mali. C’est le résultat de ces expériences. Hambe est une réplique de l’âme architectural du Mali, cette essence que nous devons conserver avec originalité. A Ségou aujourd’hui c’est le plus gros hôtel en terme d’accueil et totalement inscrit dans l’écotourisme. Pourtant fait avec des matériaux locaux, écologique.
Merci Kabyrou Anicet de votre disponibilité.
Merci MaliCulture

administrateur

MaliCulture est une jeune et nouvelle initiative de Dia Djélimady SACKO, Femme de Lettres, de Culture, Chargée de communication et Ex-professeur de Lettres, consultante en édition. Entreprenante et passionnée de Médias et de Culture, la franco-malienne travaille pour faire de Mali Culture la référence médiatique en matière de vulgarisation des expressions culturelles au Mali. Avec sa petite équipe de stagiaire, qu’elle veut voir grandir, elle entend accompagner les entreprises culturelles dans la diffusion et la valorisation de la culture malienne. Dia est diplômée d’un Master2 de Lettres Recherche et de Science de l’Éducation de l’Université de Toulouse.

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