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INTERVIEW EXCLUSIVE Maimouna Hélène Diarra : « Le théâtre et le Cinéma représentent le poumon et le cœur pour moi. C’est ma vie. »

Elle fait partie de cette catégorie des artistes qui ont porté très haut le drapeau du Mali. Avec à son actif une longue carrière, Maimouna Hélène Diarra n’a plus rien à prouver. Guerrière de la scène théâtrale, elle a touché également à d’autres domaines comme la télévision, le cinéma, le sport. Nous sommes allés à sa rencontre pour une interview exclusive qu’elle a bien voulu nous accorder. Ses débuts, la nouvelle génération, la place de l’art au Mali, la situation sociopolitique, la candidature de son ami Habib Dembélé à la présidentielle de juillet 2018, voici les sujets autours desquels nous avons discuté.

Express de BKO : Parlez-nous de vos débuts avec le métier de comédienne. Qu’est-ce qui vous a emmené à vouloir vous lancer dans cette aventure ?

Maimouna Hélène Diarra : Je suis issue d’une famille très relaxe. Pères, mères frères et sœurs, tout le monde adore plaisanter. C’est dans cette atmosphère de gaieté que je suis née. Je crois que nous l’avons dans le sang, ce caractère qui n’influe cependant en rien le respect que chacun doit à l’autre. Donc avant d’être professionnelle, j’étais comédienne née, je peux dire. Au départ, c’était la santé que je voulais faire. J’ai même fais le concours de santé et j’ai échoué. Quand j’ai eu le DEF, j’avais déjà un choix d’étude qui était le monde littéraire et artistique car les matières scientifiques (physique, chimie, mathématique…) n’étaient pas mon fort. En français par contre je m’en sortais très bien et j’étais parmi les meilleurs de ma promotion en art (dessein, peinture, musique…). De plus j’étais une athlète. Quand j’ai décidé de venir à l’INA, c’était pour faire de la peinture. Mais un beau jour, le groupe dramatique de la première promotion de l’INA à été à San pour jouer, cette promotion était composée de grands noms comme Ousmane Sow, Fanta Berthe, Mamoudou Sanogo, Aguibou Dembélé, Fanta Diabaté… Ce jour, là, j’ai été fasciné et ça été comme un déclic. J’ai prix sur le champ la décision de faire du théâtre. Arrivée à l’INA, il fallait faire un test. Le censeur de l’époque, Monsieur Sali Kanté, qui était de Médina Koura m’a demandée ce que je voulais faire. J’ai répondu spontanément « Théâtre ». Il m’a dit ok, tu es prise. Je n’ai donc même pas fait le test comme prévu. Et Dieu faisant bien les choses, j’avais un professeur blanc qui s’appelait Monsieur Armand. Ce monsieur m’a beaucoup formée, surtout dans le rôle de vieille femme.

EDB : A propos de ce rôle que vous jouez très bien d’ailleurs, est-ce un choix ou ce sont les metteurs en scènes et réalisateurs qui vous demandent à chaque fois de le jouer ?

MHD : Ce n’était pas un choix au départ mais aujourd’hui, j’adore. J’aime bien car c’est devenu une partie de moi. C’est mon identité artistique je pourrais dire. Parfois je me propose avant même qu’on ne décide quelqu’un ou on me le réserve d’office parce que tout le monde trouve que je le fais super bien. C’est avec monsieur Armand que tout à débuter quand nous avions monté « gouverneur de la rosée. » de Jacques Roumain, pendant mes années de L’INA. J’avais le rôle du personnage de la vieille Délira. Et pendant les représentations, tout le monde me tirait le chapeau pour mes performances. C’est comme ça tout est partie. J’suis même devenue vieille avant l’âge (rire)

EDB : Et vous étiez bien partie pour le sport aussi parait-il…

MHD : En effet, j’étais à fond dans le sport mais j’ai dû l’abandonné parce qu’il fallait faire un choix. Je ne pouvais pas gérer et le théâtre et le sport. Sinon j’ai été formé avec de grands noms comme l’ancien ministre de la jeunesse et des sports Adama KONE. J’ai aussi fait du hand Ball avec l’actuelle ministre des infrastructures et de l’équipement Madame Traore Seynabou, pour ne citer que ceux-ci.

EDB : Parlons chiffre à présent. Dans combien de film exactement avez-vous joué ?

MHD : Beaucoup en tout cas. Pour le nombre exact, il me faudrait un calcul qui prendra un peu de temps. Mais j’ai joué dans trop de films. Je suis dans presque tous les films maliens, ma tête est partout (rire).

EDB : Votre premier cachet, c’était combien?

Elle hésite

2500 franc malien.

EDB : Seulement ?

MHD : Bah oui, c’était énorme pour moi à l’époque. Et puis la somme que je pouvais toucher m’importait peu. Ce que je demandais, c’était juste jouer.

EDB : Justement, à propos de cachet, un mot à l’endroit de ces jeunes qui font primer le gain sur l’apprentissage et l’expérience…

MHD : Je pense que c’est important de savoir ce qu’on veut. C’est la passion qui paye. Qu’ils accordent de l’importance à cette célèbre phrase qui dit qu’on se nourrit d’abord de passion. L’argent est certes une nécessité mais quand on en fait une priorité, ça peut facilement jouer sur une carrière. Un artiste sur scène peut facilement passer à côté de son rôle si son idée, au lieu d’être figé sur ce qu’il joue est figée sur ce qu’il doit percevoir après.

EDB : Parlons toujours de la jeune génération. Vous faite partie des pionnières et vous avez beaucoup apporté au Mali tout au long de votre carrière. Votre avis donc en tant que précurseur sur la nouvelle génération d’humoristes et comédiens compte beaucoup pour nous. Que pensez-vous de yêlêbougou en particulier?

MHD : Le droit de réserve. Je ne peux pas me prononcer dessus.

EDB : Pourquoi ?

MHD : Mon fils, tu veux qu’on m’insulte ? La jeune génération n’aime pas les critiques. Si je dis ce que je pense réellement, ils diront que c’est de la mauvaise foi. Je préfère donc me taire

EDB : Votre ami, Habib Dembélé, a une fois de plus annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de juillet 2018, qu’en pensez-vous ?

MHD : Je connais trop Habib, je sais donc que cette décision est mûrement réfléchie.

EDB : Vous ne pensez donc pas qu’il a peut être tord de se mélanger à la politique ?

MHD : Non pas du tout. C’est un artiste engagé, avec un mérite connu de tous. Les autres ne sont pas mieux que lui. On peut faire de la politique différemment. Je connais l’homme comme je vous l’ai dit et je vous le redis encore, qu’il enfile la casquette du politicien ou pas, il reste d’abord un artiste engagé, donc il peut être un très bon président. Si être candidat est son choix, je ne peux que le soutenir.

EDB : Que représentent le théâtre et le Cinéma pour vous ?

MHD: L’un représente le poumon, l’autre le cœur. C’est ma vie.

EDB : Vous ne pensez donc pas à arrêter un jour afin de passer à autre chose.

MHD : Je ne peux pas arrêter. Pas de retraite pour moi dans ce domaine.

EDB : L’art est vraiment valorisé au Mali, à votre avis ?

MHD : Pas vraiment. Les choses ont beaucoup changé et je crois que c’est une question d’époque.

EDB : Qu’est-ce qui a changé exactement ?

MHD : Beaucoup de chose : le statut des artistes, l’art a du mal à nourrir son homme, les écoles de formation ne sont pas vraiment équipées. Il y a un désordre grosso modo. A notre époque, il y avait plus de structuration.

EDB : En tant que figure importante de l’art dans ce pays, quel regard portez-vous sur la situation sociopolitique du Mali ?

MHD : Le Mali est en train de sombrer. C’est sérieux ! Mon optimisme ne doit pas m’empêcher de le dire. Les maliens doivent le comprendre et s’unir pour de vrai. La situation est très alarmante je pense. Faisons donc très attention.

EDB : Votre mot de fin.

MHD : Merci à vous, que Dieu bénisse le mali, que l’art soit !

Issouf Koné

administrateur

MaliCulture est une jeune et nouvelle initiative de Dia Djélimady SACKO, Femme de Lettres, de Culture, Chargée de communication et Ex-professeur de Lettres, consultante en édition. Entreprenante et passionnée de Médias et de Culture, la franco-malienne travaille pour faire de Mali Culture la référence médiatique en matière de vulgarisation des expressions culturelles au Mali. Avec sa petite équipe de stagiaire, qu’elle veut voir grandir, elle entend accompagner les entreprises culturelles dans la diffusion et la valorisation de la culture malienne. Dia est diplômée d’un Master2 de Lettres Recherche et de Science de l’Éducation de l’Université de Toulouse.

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