Histoire/Patrimoine/Société

Le partage d’un repas commun : une valeur proprement malienne

Le Mali, pays est une terre de culture riche et diversifiée, reconnu à l’échelle mondiale à travers certaines pratiques séculaires, qui y rendent la vie douce et agréable. Ces pratiques devenues habitudes, sont aujourd’hui considérées comme de véritables identités pour le pays. Parmi ces habitudes, il y a l’appel au repas, ou ¨Na kadouminin kai en Bamanan. Un socle du vivre ensemble.

Au Mali, le repas bien cuit, appartient à tous. Disent les anciens. S’il existe quelque chose qu’on peut facilement partager avec tous, même les inconnus dans notre société, c’est bien le repas. A Bamako, comme dans presque toutes les villes du pays, il n’est du tout rare de voir les gens réunis autour des plats aux horaires des repas quotidiens. Ces repas, sont inclusifs, c’est-à-dire appartenant à toutes personnes qui arrivent à point. C’est toute la société malienne qui a adopté cette attitude, qui l’a transmise de génération en génération. Cet usage favorise le vivre ensemble et le brassage intercommunautaire ici chez nous. Renforce la cohésion sociale.

Mamadou S Traoré est professeur assistant au Département philosophie et psychopédagogie à l’Ecole Normale Supérieure de Bamako (ENSUP). Sollicité pour nous parler de ce sujet, il nous a dit que l’invitation au repas, est d’ordre culturel et social ici chez nous au Mali. Le Malien dans sa nature, ajoute-t-il, aime partager, cela est dû au fait que la famille traditionnelle malienne était une grande famille et tout le monde y avait droit au repas. Mieux, certaines familles réservaient même de la nourriture pour les imprévus. Il se rappelle son grand-père maternel, Mamadou Coulibaly, ancien directeur de l’hôpital de Gao, qui dans sa famille au quartier Médina-coura de Bamako, avait installé une cloche sonne dans sa maison, qui faisait sonner aux horaires des repas, pour inviter les voisins à manger. Et ceux qui avaient, ou les étrangers, venaient directement se restaurer dans sa famille. M. Traoré est aujourd’hui nostalgique de cette bonne habitude. Il précise que la religion, a trouvé cette pratique bien établie chez nous.

Pour Diakaridia Sanogo, étudiant en master Communication à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO), appeler quelqu’un à manger est partie intégrante de la culture malienne. Aussi, estime-t-il, le Malien n’est pas méchant. Quand un Malien est en train de manger un repas, si peu soit-il et qu’arrive un étranger, il sera gêné de continuer seul sans l’inviter.

Yacouba Togola, étudiant en 4ème année comptabilité au Centre Abdoulaye Diarra de Sébénicoro (CADS), apprécie beaucoup cette habitude malienne, qu’il qualifie de facteur d’union et de solidarité entre les citoyens. « Le travail est une exigence civique, sinon on peut bien vivre au Mali, à la merci, tellement les gens sont cléments ». explique l’étudiant.

Parmi les quelques bonnes coutume de la société malienne, que nous ont légué les ancêtres, nous avons l’invitation à manger, ou ¨Na kadouminin kai¨.

Ce n’est pas Zakari Togo, qui dira le contraire, lui qui est venu de Koro poursuivre ses études à la Faculté des Sciences de l’Education de Bamako après son Baccalauréat au lycée public de la localité. Il nous a dit avoir pleinement bénéficié de l’importance de cette pratique humaniste. Vivant à ses propres charges dans une pièce qu’il paie à 10 000f par mois à Sébénikoro, le jeune étudiant a eu la chance de tomber sur une famille voisine généreuse qui l’appelle à partager avec elle ses trois repas quotidiens. « Depuis que le chef de famille m’a connu à aujourd’hui, il ne se passe jamais un moment de repas, sans que cette famille ne m’appelle à venir manger. Même quand je suis sorti ou parti à l’école, on me réserve ma part. Vraiment je me sens membre de ladite famille ». Très touché par ce geste, il nous a affirmé être disposé à faire tout pour cette famille, dans la mesure de l’aider physiquement et matériellement. « Si ce n’est au Mali, on ne trouve cela nulle part ailleurs au monde ». a-t-il conclu.

Sidy Bekaye Traoré tailleur à Lafiabougou en Commune de Bamako, est aussi un fervent défenseur de la tradition malienne. Pour lui, appeler quelqu’un à manger signifie beaucoup, c’est d’abord le respect, la valeur puis pitié. Installé derrière sa machine à coudre, il regrette aujourd’hui le fait qu’on initie plus les jeunes à cette valeur très importante de notre culture.

Appeler à manger, comme beaucoup d’autres habitudes, font la fierté de la culture malienne. Mais, de nos jours, face à la modernisation et la démographie galopante, ces coutumes ont tendance à disparaître. Alors, il est vraiment important, sinon nécessaire que tous s’impliquent dans la sauvegarde de ces pratiques humanistes. « L’évolution ne doit aucunement nous faire perdre notre culture »

Ibrahim Kalil Togola

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *