Le Mali est un pays où la faim et plus encore la peur de la faim sont encore des réalités présentes et pesantes. La consommation de viande qui était de 20 kg par habitant et par an dans les premières années de l'Indépendance est tombée à 13 kg en 1977. La disponibilité de céréales per capita a diminué en raison de la stagnation de la production de céréales et de l'accroissement de la population. Les dépenses journalières moyennes par personne pour la nourriture en 1983 à Bamako étaient de 65 à 100 CFA pour plus d'un tiers des ménages, le kilo de riz était alors à 125 CFA. La présence de la nourriture est quasi obsessionnelle non seulement dans le quotidien, et avant tout dans celui des femmes, mais aussi dans tous les domaines de la vie sociale. Ainsi, les premiers mots qu'on apprend dans une langue inconnue ou les seuls qu'on connaît dans celle d'un étranger de passage sont toujours « après bon jour, viens manger ».
On peut également citer la relation presque exclusive qui associe, dans le nom de clan et l'interdit alimentaire. La présence de la nourriture comme motif ou comme ressort essentiel de l'intrigue se retrouve non seulement dans les contes, les récits, le théâtre, mais aussi dans l'histoire, où, par exemple, le vol d'une part de viande fournit le prétexte de la dispute entre Bakari Dian et Bilissi. De même, le prix du miel est le nom de l'impôt qu'on payait dans le royaume de Segou, et la raison de la préséance donnée à Da sur Tièfolo, tous deux enfants princiers, tient à la gourmandise du messager chargé d'annoncer au souverain la naissance de son premier fils.